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L’éducation pour lutter contre l’obésité. Oui, mais... - Santé Environnement
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Vie active - Alimentation - Comprendre
L’éducation pour lutter contre l’obésité. Oui, mais...
par Alain Geertspar Fil d’infos et actualité - 18 août 2014

L’obésité est un fléau qu’il convient de combattre de toutes les manières possibles et imaginables (voir nos contributions ici). Le programme d’action présenté dans l’article d’opinion que vous découvrirez ci-dessous est à cet égard très intéressant. MAIS, une question peut néanmoins se poser quant à l’intervention au sein de partenariats « public-privé » de l’industrie agro-alimentaire qui est une des « causes » déterminantes dans cette problématique.

Une opinion de Christian Brohet, membre du comité d’experts de Viasano. Professeur émérite UCL, cardiologue retraité des Cliniques St-Luc et ex-président du comité scientifique de la Ligue cardiologique belge, opinion publiée sur lalibre.be sous le titre L’éducation pour lutter contre l’obésité

Vous trouverez à la suite de cette position une brève réflexion sur la pertinence du partenariat public-privé dans ce type d’action de sensibilisation.

Près d’un tiers de l’humanité est en surpoids. En trente ans, aucune nation n’est parvenue à faire reculer ce fléau. Il est urgent de se mobiliser pour le combattre.
Aujourd’hui, près d’un tiers de l’humanité est en surpoids (ce qui signifie un indice de masse corporelle [1] supérieur à 25 kg/m²), un fléau qui affecte particulièrement les plus démunis. Les plus jeunes ne sont pas épargnés : dans les pays développés plus d’un enfant sur cinq est en surpoids, un sur trois dans certains pays (Grèce, Italie, USA).

Voici quelques-unes des conclusions de l’étude internationale sur l’obésité menée par 150 chercheurs dans 188 pays et parue le 29 mai dernier dans la revue médicale The Lancet. Et à la différence d’autres risques sanitaires majeurs comme le tabac ou la malnutrition infantile, l’obésité ne recule pas dans le monde. Elle a tendance à se stabiliser dans les pays développés mais continue à progresser dans les pays en développement.

Véritable pathologie de nos sociétés, l’obésité pèse lourdement sur la santé des citoyens et sur les deniers publics. L’obésité est un facteur de risque pour les maladies cardiovasculaires (première cause de mortalité), le diabète, certains cancers. En 2010, de trois à quatre millions de décès étaient attribués à l’obésité dans le monde. Le dernier rapport de l’OCDE estime que l’obésité est responsable de 1 à 3 % du total des coûts de santé et jusqu’à 5 à 10 % aux Etats-Unis.

Comment expliquer que l’obésité soit devenue tellement répandue dans nos populations et que le surpoids soit le lot de plus en plus de jeunes ? Les modes de vie contemporains encouragent les individus à la passivité et à l’inaction (pensons aux écrans TV, consoles, voitures, ascenseurs, etc.). Les mauvais choix alimentaires résultent de la méconnaissance des valeurs nutritionnelles de nos aliments, du manque de temps pour cuisiner, du moindre respect du repas familial, de la trop grande consommation d’aliments gras et de boissons sucrées… Tout cela explique que le fléau sanitaire se développe et qu’aucune nation n’ait réussi en trente ans à le faire reculer. Alors, faut-il baisser les bras ?

La prévention et le traitement de l’obésité ne peuvent se contenter de solutions simples. L’obésité est une maladie multifactorielle. Elle est la conséquence de notre génétique, du comportement individuel et du contexte environnemental. Combattre l’obésité passe par l’éducation, le changement de comportement et la modification de notre environnement.

Au cours des dix dernières années, la prévention de l’obésité et du surpoids est effectivement devenue possible grâce à des interventions basées sur les modes de vie et l’environnement. On les appelle les « Programmes d’interventions communautaires » (Community Based Programs).

L’idée est simple : à enjeu global, réponse globale. L’ensemble des acteurs locaux au sein d’une communauté urbaine s’engage dans l’action : élus et services municipaux, milieux associatif et économique, professionnels de la santé, simples citoyens - au cœur même de la ville et des lieux de vie des familles. Tous ensemble, au niveau de la cité, ils inventent une vie plus saine et plus active : des ateliers de cuisine multigénérationnels, la promotion de moyens de transport actifs, des écoles qui encouragent un mode de vie sain, la promotion des fruits et légumes, etc.

Ces programmes ont été lancés en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, en Roumanie, en Australie, au Mexique, etc. Trente-sept programmes de 26 pays différents sont réunis au sein de l’Epode International Network pour partager leur savoir-faire.

Et ça marche ! On note dans ces communautés une baisse de 10 à 20 % de la prévalence de l’obésité infantile en l’espace de trois à cinq ans [2]. La Commission européenne, grâce à l’intervention de la DG Santé-Consommateur, soutient fortement ces programmes d’interventions communautaires et cofinance, aux côtés de partenaires privés, des projets de recherche pour les améliorer et les multiplier.

En Belgique le programme s’appelle Viasano. Présent dans 18 villes, le programme travaille avec un comité d’experts indépendants et est soutenu par les associations professionnelles de diététiciens et de pédiatres, les associations de patients diabétiques, la Ligue cardiologique belge, la Société belge des médecins nutritionnistes et l’association belge d’étude de l’obésité.

Viasano n’existerait pas sans l’investissement public à l’échelle des communes et le soutien financier de sociétés privées (Ferrero et Unilever en Belgique) qui s’engagent à ne pas y associer de démarche commerciale et à ne pas intervenir dans les contenus. Les premiers résultats sont encourageants avec une baisse de la prévalence du surpoids en maternelle de 22 % dans les villes pilotes francophones entre 2007 et 2010.

Pour réduire l’obésité il nous faut mener un véritable combat. Aujourd’hui ce sont les programmes d’interventions communautaires qui obtiennent les meilleurs résultats. Pour les développer davantage, il faut l’engagement de tous. Et notamment un plus grand engagement des politiques et le support financier des pouvoirs publics.

A qui profite vraiment un Partenariat Public-Privé

La brève réflexion qui va suivre n’a pas du tout comme objectif de mettre en question la qualité intrinsèque de ce programme en matière de lutte contre l’obésité. Les chiffres relatifs aux résultats obtenu plaident pour lui, même si l’affirmation selon laquelle les programmes d’interventions communautaires qui obtiennent les meilleurs résultats mérite d’être vérifiée.

Elle vise simplement à attirer l’attention du lecteur sur la présence, quoique très discrète et bien balisée, de l’industrie alimentaire. On retrouve en effet parmi les membres fondateurs du programme VIASANO les sociétés suivantes : Unilever, Ferrero et Orangina Schweppes auxquelles il faut ajouter Mars et Nestlé pour le programme français. Par ailleurs, le site de Viasano nous explique que la Coordination nationale VIASANO fait partie intégrante de l’agence Protéines Brussels de Protéines Groupes, une SRL du secteur du marketing et de la publicité spécialisée dans la Food et dont les principaux clients sont :
- Adepale (Association Des Entreprises de Produits ALimentaires Elaborés) : elle représente un des principaux regroupements professionnels de l’industrie alimentaire, premier secteur industriel de France,
- Association France Parkinson,
- Blédina, la nourriture en pot pour les bébés,
- Coca–Cola France, inutile de présenter,
- Danone, inutile de présenter,
- Ducros, les herbes et les épices industriels,
- ECPA (European Crop Protection Association) : jetez un oeil à leur réseau (Dow, Syngenta, Monsanto, Bayer, ...)
- Elior Groupe, Elior Services : leader européen de la restauration,
- Epode International Network,
- Ferrero Belgique, Nutella, Kinder, Ferrero Rocher, Tic Tac, etc., inutile de présenter,
- Festival des Pains,
- Gü, des desserts industriels,
- Heineken, la bière donc,
- IMACE, International Margarine Association of the Countries of Europe, le lobby des margarines,
- Inaporc, les professionnels de la filière porcine en France,
- In Vivo, un gros acteur de l’agriculture traditionnelle (voir les enjeux par exemple),
- ISA France (International Sweeteners Association), l’industrie des édulcorants,
- Kellogg’s, inutile de présenter,
- McCain, inutile de présenter,
- McDonald’s, inutile de présenter,
- Nutricia Nutrition Clinique, une division du groupe Danone, spécialisée dans le domaine de la nutrition médicale,
- Pink Lady, une pomme industrielle
- Royal Canin, industriel de la nutrition pour chats et chiens,
- Sodebo, plats préparés industriel,
- SODIAAL, 3è coopérative européen de lait (4,6 milliards de litre)
- Viasano...
Bref, on retrouve là nombre d’acteurs clés des sociétés agroalimentaires qui produisent massivement la nourriture de qualité médiocre qui est l’une des principales causes de l’obésité. Il est aujourd’hui bien connu qu’une des stratégies de l’industrie est de ne pas nier les problèmes de santé publique générés par sa production mais bien plus, de mettre sur pied ou s’inscrire dans des actions « de corrections » desdits problèmes [3]. Ce qui, in fine, leur permet de continuer à produire comme si de rien n’était et de retarder toute action efficace pour lutter contre ce fléau qu’est l’obésité.

Ce type de programme trouverait à notre sens un allié de poids dans une législation en matière de santé publique qui à la fois devrait inciter à mieux consommer mais aussi exercer une forme de coercition (taxes sur les produits les plus nocifs, normes beaucoup plus strictes, interdictions d’interventions de l’agro-alimentaire dans le secteur dans l’éducation...). On en est malheureusement loin comme en témoigne par exemple les récents débats et décisions sur la présence dans nos écoles de distributeurs de sodas.

Et nous ne pouvons qu’être d’accord avec le professeur Christian Brohet quand il réclame un plus grand engagement des politiques et le support financier des pouvoirs publics, investissements qui ne peuvent qu’être rentables quand on connait les coûts pour la sécurité sociale de l’obésité et ses conséquences : La FAO a estimé le coût économique d’une alimentation mal équilibrée à « 5% du PIB mondial, soit 3.500 milliards de dollars par an ou 500 dollars par personne » du fait de la perte de productivité et des dépenses de santé".

notes :

[1L’indice de masse corporelle (IMC) est le poids (en k) divisé par la taille en mètre au carré (m²). Le surpoids existe lorsque l’IMC dépasse 25 kg/m², l’obésité existe lorsque l’IMC dépasse 30 kg/m².

[2Romon M., Lommez A., Tafflet M., et al. Downward trends in the prevalence of childhood overweight in the setting of 12-year school- and community-based programmes. Public Health Nutr 2009 ; 12 : 1735-1742

[3Voir à se propos : La Fabrique du mensonge, comment les industriels manipulent la science et nous mettent en danger de Stéphane Foucart, Folio Actuel n°158, 2013. Mais aussi : PÊCHÉ MIGNON – Les doux mensonges de l’industrie du sucre...