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REACH : la mise en œuvre décevante d’un règlement exemplaire
par Valérie Xhonneux - 8 juin 2017

Dix ans après son entrée en vigueur, la réglementation REACH a montré un potentiel d’impact élevé, mais qui se concrétise encore insuffisamment dans la protection des personnes et de l’environnement. Pour les associations de protection de l’environnement, il est urgent de renforcer sa mise en œuvre et d’étendre son champ d’action pour atteindre les objectifs de cette législation phare.

La réglementation REACH a marqué une étape forte dans la législation européenne, allant significativement plus loin que d’autres législations, et intégrant de nouveaux principes révolutionnaires tels que les principes « pas de données, pas de marché » et celui de substitution, en s’appuyant sur le principe de précaution et en renversant la charge de la preuve. Il est devenu un modèle mondial [1], et même les entreprises reconnaissent qu’il les a aidées dans l’amélioration de leur communication sur les dangers [2], et à renforcer leur proactivité sur la gestion des substances chimiques.

Malheureusement, les principes fondamentaux de REACH ne sont pas appliqués. Le processus en lui-même est excessivement lent : alors que le livre Blanc de l’Union européenne de 2001 recensait 1400 substances qui devraient être progressivement remplacées, seules 31 sont aujourd’hui inscrites sur la liste d’autorisation. Par ailleurs, l’Agence Européenne des Substances Chimiques (ECHA) fournit des numéros d’enregistrements – et ce faisant donne accès au marché – à tous les dossiers d’enregistrements, par défaut, même aux dossiers incomplets, inadéquats ou non pertinents, alors que le pourcentage de dossiers d’enregistrement non conformes est resté supérieur à 50% au cours des 5 dernières années [3].

La charge de la preuve, quant à elle, n’a pas été transférée aux industries. Les informations très médiocres fournies par les entreprises dans les dossiers d’enregistrement imposent aux autorités des États membres et aux comités de l’ECHA de chercher et de compléter les informations nécessaires à la gestion des risques.

Alors que le principe de précaution constitue l’un des fondements du règlement, il n’est pas appliqué dans les décisions de restriction ou d’octroi d’autorisations. En accordant les autorisations aux demandeurs qui sollicitent le maintien d’utilisation de substances extrêmement préoccupantes, alors que des alternatives sont disponibles, la Commission porte atteinte aux objectifs du Règlement, entrave l’innovation et pénalise les entreprises qui ont créé des alternatives plus sures.

Par la voix du Bureau Européen de l’Environnement, les associations de protection de l’environnement demandent un engagement politique fort pour renforcer la mise en œuvre du Règlement, et lui permettre d’atteindre l’entièreté de son potentiel de protection de la santé et de l’environnement. Il sera ainsi nécessaire :
- d’intégrer les nouvelles connaissances scientifiques sur les produits chimiques (nanomatériaux, perturbateurs endocriniens, neurotoxicité, effets métaboliques, etc.) et les mélanges ;
- d’élargir le champs d’action de REACH pour y inclure les produits chimiques produits en faibles volumes et les déchets ;
- d’assurer l’interdiction des substances hautement préoccupantes dans toutes les utilisations majeures qui entrainent une exposition des citoyens ou de l’environnement (par exemple les contenants alimentaires, meubles, textiles, matériaux de construction, etc.).
- d’élaborer un cadre politique, réglementaire et économique pour assurer l’innovation en matière de chimie verte et la promotion de la substitution vers des alternatives plus sûres.
- de veiller à ce que les matériaux toxiques soient exclus de la boucle de l’économie circulaire
- d’étendre REACH à d’autres régions et pays via l’approche stratégique de la gestion internationale des produits chimiques (SAICM).

Contact

Valérie Xhonneux, chargée de mission santé-environnement et politique des produits, +32 (0) 472 476 419

[1] Des législations similaires ont été adoptées en Chine, Corée du Sud, Malaisie, Turquie, Islande et Norvège, notamment.

[2] D’après les résultats d’un sondage réalisé par l’association européenne de l’industrie métallurgique auprès de ses membres.

[3] Une étude de l’Institut fédéral allemand pour l’évaluation des risques (BfR) publiée en 2015 a montré qu’un seul dossier, sur 1 814, était conforme à l’information standard pour tous les points finaux.