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Vie active - GSM - ondes électromagnétiques - Comprendre
GSM et cancer du cerveau (2) : 10 ans d’étude, et puis ?
par Valérie Xhonneux - 27 mai 2010

Ils sont enfin là ! Les résultats de l’étude INTERPHONE commencée il y a 10 ans et réalisées dans 13 pays différents sur plusieurs milliers de personnes, viennent d’être publiés. On va enfin savoir s’il y a un risque de cancer lorsqu’on utilise son GSM et, si c’est le cas, savoir s’il faut jeter cet engin de mort ou s’il est possible de l’utiliser sans prendre de risque et comment. A moins que, comme c’est souvent le cas lorsqu’il s’agit d’étudier des phénomènes complexes touchant de très près nos modes de vie et notre système économique, le doute ne domine...

Scientifique mais pas (encore) experte en ondes électromagnétiques, je me suis attaquée au texte complet de l’étude afin de me forger une opinion personnelle et indépendante des multiples et divers commentaires de presse. Si la même curiosité vous prend, vous trouverez l’étude ici. Et pour ceux qui, moins curieux ou plus pressés, se contenteraient d’un résumé, je leur propose ci-dessous une prédigestion neutre de l’affaire avant de donner à tout le monde le point de vue (engagé !) de la chargée de mission d’IEW.

Que dit donc cette étude ?

INTERPHONE est la plus large étude de cas-contrôles sur les liens entre téléphones portables et cancers, incluant un grand nombre de sujets qui ont utilisé un GSM pendant au moins 10 ans. Les analyses ont été réalisées dans 13 pays différents, en se focalisant sur les personnes ayant un âge compris entre 30 et 59 ans vivant dans des aires urbaines larges (qui sont les endroits où l’utilisation d’un GSM est la plus importante).

Les résultats indiquent qu’il n’y a pas augmentation du risque de développer un meningiome ou un gliome en cas d’utilisation d’un téléphone portable sur le long terme. Par contre, ils indiquent un excès de risque de 15% pour les meningiomes et de 40% pour les gliomes pour les grands utilisateurs de GSM (durée d’utilisation d’environ une demi heure par jour). Les tumeurs du lobe temporal sont celles qui présentent l’excès de risque le plus important, plus particulièrement pour les personnes utilisant généralement leur téléphone toujours du même côté.

Globalement, les odds ratio sont majoritairement inférieurs à 1 (ce qui indique une diminution du risque relatif), et très peu d’entre eux sont élevés. En première analyse, on pourrait donc conclure à un effet protecteur du GSM par rapport à ces tumeurs. Mais les choses ne sont bien entendu pas si simples. Les chercheurs ont identifié plusieurs éléments qui pourraient expliquer leurs résultats. Le biais au niveau de l’échantillonnage est le premier d’entre eux : tous les cas étudiés sont-ils bien représentatifs de l’ensemble des cas de méningiomes et de gliomes ? Le taux de participation est un deuxième éléments : alors que 78% personnes ont participé pour les méningiomes, 64% ont participé pour les gliomes et seulement 53% pour les contrôles. Il pourrait donc y avoir eu un biais de sélection. De plus, certaines tumeurs peuvent affecter la mémoire et donc empêcher les malades de se souvenir correctement de leur utilisation du GSM. Enfin, les personnes interrogées pourraient avoir été motivées à se souvenir et à rapporter l’utilisation d’un facteur explicatif potentiel de leur maladie.

Les chercheurs concluent sur l’absence d’explication certaine de l’apparente diminution de risque de développer un cancer du cerveau parmi les utilisateurs de GSM, mis à part les biais de sélection qui l’expliquent certainement en partie. Des éléments de preuve suggèrent un risque excessif de gliome pour les grands utilisateurs de GSM mais ne sont pas concluants, du fait de biais potentiels. Les possibilités de risque plus important pour les grands utilisateurs sont interpelantes car l’emploi des téléphones portables ne cesse de croître. Par ailleurs, peu de sujets de l’étude avaient utilisés le GSM sur des périodes supérieures à 12 ans. Les résultats ne procurent donc aucune information pour les périodes de temps plus importantes.

L’étude s’achève sur des recommandations plus générales, appelant à la réalisation d’études sur l’utilisation à long terme des téléphones portables, du fait de son utilisation de plus en plus importante et de l’âge toujours plus précoce auquel on débute cet usage.

Quelles certitudes ?

Dur dur, à la lecture de l’étude, d’être satisfait. Les chercheurs le soulignent eux-mêmes : le nombre important de biais ayant potentiellement faussés les résultats empêche de conclure de manière définitive sur l’augmentation du risque de développer un cancer du cerveau en lien avec l’utilisation d’un téléphone portable.

La prudence s’impose néanmoins lorsque l’on considère les premiers résultats de l’étude publiés en 2008 et les éléments suivants, soulignés autant par les auteurs de l’étude que par l’IARC (International Agency for Research on Cancer) :

- l’utilisation des GSM ne cesse de croître : il faut bien reconnaître qu’une demi-heure par jour ce n’est pas grand chose. Or, cette catégorie est celle des plus grands utilisateurs dans le cadre d’INTERPHONE.

- l’âge à partir duquel on commence à utiliser les gsm diminue. On est donc exposé sur une période de temps plus longue et à un âge où pas mal de choses sont toujours en train de se construire dans notre organisme.

Dans une interview accordée à la Première ce 18 mai 2010, le professeur Vander Vorst de l’UCL souligne un autre problème : 10 ans, c’est un processus trop long ! Les résultats de l’étude Interphone n’ont pas été publiés pendant 4 ans. Et on est en train de créer une situation dans laquelle il ne sera plus possible de faire une étude scientifique mettant en évidence des effets éventuels de ce type de rayonnements parce qu’il n’y aura plus moyen de mettre sur pied un groupe-témoin d’êtres humains qui ne sont pas soumis à ces ondes.

Certaines lacunes actuelles seront vraies également dans 10 ans : les technologies changent, nos comportements changent, et il ne fait nul doute que les conditions d’exposition ne seront plus les mêmes dans 10 ans. Et puis rien à faire, ce qui est vrai pour les substances chimiques l’est aussi pour les ondes : les chercheurs se sont ici focalisés sur un type d’impact d’un type d’onde. Quid de notre exposition indirecte au GSM du voisin ? Aux ondes émises par les antennes relais ? Par la WIFI ? Bref, qu’en est-il d’une analyse de risque qui soit intégrée et non parcellaire et qui reflèterait réellement nos conditions d’exposition ?

Plus globalement, les GSM posent également de nombreuses questions : en termes de procédés de fabrication, de ressources rares utilisées pour leurs différents composants, de leur devenir en fin de vie... Allons nous faire comme pour les voitures, les refourguer dans les pays du sud qui ne disposent ni de l’information relative aux risques que les GSM représentent potentiellement pour la santé, ni des infrastructures pour les récolter et les recycler correctement. Et je ne vous parle même pas de la pub et de l’incitation à « consommer » du GSM toujours plus.

Une résolution de la commission santé de la Chambre, votée en 2009, demandait au gouvernement de concrétiser une meilleure protection des consommateurs contre les risques liés au rayonnement électromagnétique, notamment en assurant une meilleure information. Mais nulle concrétisation ne semble avoir encore vu le jour et ce ne sont pas les élections fédérales anticipées qui vont accélérer le mouvement.

Que faire alors ?

Une chose est sûre : je n’attendrai pas que l’étude parfaite, indiscutable et ne présentant pas le moindre biais ou élément discutable soit publiée pour agir. Désormais, mon GSM sera sur mode off lorsque je suis joignable sur une ligne fixe ou en déplacement (car comme vous le savez sans doute, c’est à ce moment là que le GSM émet le plus d’ondes pour trouver du réseau) et le reste du temps, les communications se feront pas sms ou avec l’oreillette. Comme ça dans 15 ans, je pourrai peut-être faire partie d’un semblant de groupe témoin qui a pu limiter son exposition active aux ondes électromagnétiques. Et puis, quand il sera « mort » (avant moi, j’espère ;-)), et bien je ferai comme certains collègues, je n’en rachèterai pas ! Ça me tente bien de retrouver un peu d’indépendance par rapport à ce si petit mais si envahissant objet qui a si vite réussi à se rendre si fallacieusement indispensable.

Et vous ?

Crédit photographique : Prod. Numérik - Fotolia.com

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