L’affaire du « dieselgate » a mis au grand jour des pratiques dont tous les experts du secteur connaissaient (ou suspectaient fortement) l’existence. A savoir l’utilisation de « dispositifs d’invalidation » qui (1) détectent que le véhicule ne se trouve pas dans les conditions d’un test officiel de contrôle des émissions et (2) modulent ou désactivent alors les systèmes de dépollution [1]. Les émissions excédentaires d’oxydes d’azote (NOX) induites par ces procédés illégaux se paient cash : sans doute plusieurs centaines de morts par an au niveau de la Belgique, d’après nos estimations [2].
Outre les oxydes d’azote, les véhicules automobiles produisent également de nombreuses autres substances nocives. Dont les particules fines, qui constituent la famille de polluants qui tuent le plus en Europe. Les moteurs à essence à injection directe émettent un grand nombre de particules très fines – plus encore que les moteurs diesel équipés d’un filtre à particules. Et plus une particule est fine, plus elle pénètre profondément dans les poumons, plus elle risque de faire des dégâts . Afin d’éviter d’équiper également les voitures à essence à injection directe de filtres à particules, les constructeurs ont déjà déployé un plaidoyer tout à fait amoral [3].
Mais ce n’était qu’un début.
Ce 26 janvier, la Commission européenne publiait une note d’orientation ayant pour objectif « d’aider les autorités et les opérateurs [4] en présentant les bonnes pratiques pour une mise en œuvre efficace du droit applicable » [5] Avec l’aide de son Centre de recherches conjoint (JRC), la Commission a mis au point un protocole d’essai permettant de détecter une éventuelle présence de dispositifs d’invalidation. Même si les recommandations émises ne sont hélas pas contraignantes et n’ont aucun effet rétroactif, l’initiative de la Commission doit être saluée. C’est néanmoins dans ce document que se trouve l’origine de mon haut-le-cœur.
On y découvre en effet que certains constructeurs abaissent délibérément la taille des particules fines en-dessous de 23 nm (23 millionièmes de millimètre) soit en-dessous du seuil de détection des instruments de mesure actuels !!! [6] De telles particules pénètrent au plus profond des poumons. Ces constructeurs s’en moquent : cela leur permet de « respecter » les normes.
Vous pensiez que l’industrie automobile avait touché le fond de l’ignominie ? Vous aviez raison - mais elle creuse toujours, repoussant frénétiquement ses propres limites ! Avec la triche aux oxydes d’azote, les constructeurs augmentent la quantité de polluants au-dessus des seuils légaux. Avec cette triche aux particules fines, ils font plus fort : ils en accroissent la nocivité ! Et ceci délibérément, pour éviter d’équiper les véhicules d’un filtre dont le coût est estimé à 25 euros ! [7] C’est tout simplement inqualifiable, sauf à user d’un vocabulaire ordurier auquel la décence m’interdit de faire appel.
Très nombreux sont celles et ceux qui s’émeuvent des pratiques de certaines personnalités politiques. Nombreux aussi celles et ceux qui franchissent le pas, tout aussi excessif que dangereux, du « tous pourris ». Plus rares sont les personnes qui sont scandalisées par les agissements de certains acteurs de l’industrie dont les conséquences, pourtant, s’apparentent plus à l’homicide involontaire qu’au détournement de fonds. C’est particulièrement le cas pour l’industrie automobile en qui, malgré les scandales, la confiance ne faiblit pas [8]. Les foules se pressent aux salons de l’auto. Les citoyens continuent d’acheter les véhicules surdimensionnés que, à grands coups de messages publicitaires, l’industrie leur fait désirer. Et les représentants du secteur, sans doute conscients de la dépendance grave dans laquelle notre société se trouve à l’égard de l’automobile, font preuve d’une arrogance intolérable [9] et ne se remettent nullement en question [10]
Puisse ce billet d’humeur contribuer à faire naître des initiatives de résistance à ce secteur particulièrement pervers.