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Etude Séralini : 2 éléments neufs et intéressants à verser au dossier
par Alain Geerts - 17 janvier 2014

L’étude Séralini intitulée : « Toxicité à long terme de l’herbicide Roundup et du maïs génétiquement modifié tolérant au Roundup », publiée en 2012 dans la revue ‘Food and Chemical Toxicology’ et dépubliée fin 2013 (voir ici pour se remémorer les principaux éléments de l’affaire) n’a pas fini de faire parler d’elle. Nous portons ici à votre connaissance deux nouveaux éléments susceptibles de vous éclairer sur les positionnements en jeu dans ce dossier.

Tout d’abord une lettre de Marcel Roberfroid, Professeur émérite de biochimie et toxicologie à L’Université Catholique de Louvain, ancien éditeur de la revue Food and Chemical Toxicology, la revue qui a dépublié l’article du Prof. Séralini. Ce courrier a été envoyé au Rassemblement R qui avait lancé un appel aux scientifiques belges pour qu’ils envoient un message de protestation aux responsables de la revue Food and Chemical Toxicology.

Lettre du Prof. Roberfroid à la revue Food and Chemical Toxicology

Cher Collègue,

En tant qu’ancien rédacteur en chef de la revue Food and Chemical Toxicology (FCT), j’ai honte de votre récente décision de retirer l’article du Prof. Séralini que vous aviez préalablement accepté de publier après un processus de relecture complet qui, je le crois, avait été réalisée avec le sérieux habituel d’un journal de grande qualité comme FCT. L’un des arguments à l’appui de votre décision semble être, si je suis correctement informé, le nombre d’animaux par groupe. Evidemment tous vos relecteurs connaissaient ces nombres mais n’ont pas considéré cela comme un argument suffisant pour rejeter l’article. Comme indiqué clairement par ailleurs, votre décision n’est pas conforme aux règles éditoriales du FCT.

Dans vos réponses qui justifient le retrait, vous soulignez en outre ce que vous appelez une « conclusion non fiable » . En effet, vous écrivez que : « Les données ne sont pas concluantes, donc la revendication ( c.-à-d la conclusion ) que le maïs Roundup Ready NK603 et / ou l’herbicide Roundup ont un lien avec le cancer n’est pas fiable. Le Dr Séralini mérite le bénéfice du doute : c’est une erreur honnête qui a mené à cette conclusion non fiable. L’examen des données a précisé qu’il n’y avait pas faute. Toutefois, pour être très clair, c’est tout l’article, avec l’affirmation selon laquelle il existe un lien certain entre les OGM et le cancer qui est rétracté. Le Dr Séralini a exprimé de manière très loquace qu’il estime que ses conclusions sont correctes. Selon notre analyse, ses conclusions ne peuvent être déduites des données présentées dans cet article » .

En relisant l’article, je n’ai pas trouvé où serait revendiqué ou conclu qu’ « il existe un lien certain entre les OGM et le cancer » . Au contraire, dans le paragraphe de conclusion, les auteurs ne mentionnent même pas les tumeurs et, dans le dernier paragraphe, ils concluent que « ... les OGM alimentaires agricoles et de pesticides formulés doivent être évalués avec soin par les études à long terme pour mesurer leurs effets toxiques potentiels ».

Selon moi, les auteurs de l’étude n’avaient plus que probablement pas prévu les effets tumorigènes. Même si l’on peut argumenter que l’étude ne suit pas strictement les recommandations adéquates de l’OCDE, il reste une importante observation « scientifique » (pas « réglementaire ») qui ne peut être ignorée et justifie la poursuite des recherches à long terme avec un accent particulier sur les effets tumorigènes non seulement des OGM mais aussi des formules pesticides, et du mélange des deux comme utilisé dans les pratiques agricoles .

Je me sens également honteux parce que votre décision apporte des arguments à ceux qui soutiennent et même affirment que la recherche scientifique (en particulier dans les sciences biologiques) est de moins en moins indépendante et de plus en plus soumise à la pression de l’industrie. Votre décision qui peut être interprétée comme une volonté d’éliminer les informations scientifiques qui ne permettent pas de soutenir certains intérêts industriels est, à mon avis, inacceptable. Si vous et vos collègues du comité de rédaction aviez des questions concernant la conclusion de l’étude Séralini, la seule attitude scientifique aurait été de demander des études complémentaires. Rétracter des données soulève des questions et crée la suspicion et n’est pas une attitude scientifique.
Sincèrement,

Marcel Roberfroid
Professeur émérite de biochimie et toxicologie
Université Catholique de Louvain, Belgique

Ensuite, un article d’Eric Meunier, paru sur le site Inf’OGM qui s’interroge sur une étude parue récemment dans la même revue et qui présente des « faiblesses » bien plus importantes que celles qui ont justifié le retrait de l’étude Séralini.

Innocuité sanitaire des OGM - Séraline et Zhu : deux poids, deux mesures ?

En janvier 2013, la revue Food and Chemical Toxicology publiait un article de Zhu et al. [1] affirmant qu’un « maïs transgénique modifié pour résister aux herbicides à base de glyphosate est aussi sain et nutritionnel qu’un maïs conventionnel » [2]. Pour appuyer cette conclusion, l’équipe chinoise a mené une analyse de toxicologie sur des rats pendant treize semaines. Les chercheurs ont effectué différentes analyses de poids, de paramètres biochimiques et de microscopie électronique pour « détecter de potentiels impacts de ce maïs GM sur des rats ».

Le numéro précédent de cette même revue avait publié une étude réalisée par l’équipe du professeur Gilles-Eric Séralini qui, elle, concluait à des risques toxicologiques du maïs GM NK603. G.-E. Séralini avait utilisé la même race de rats, à savoir des Sprague-Dawley, mais les avait nourris pendant deux ans, soit durant leur vie entière. Cette étude a d’abord été l’objet de vives critiques et, un an plus tard, en décembre 2013, la revue Food and Chemical Toxicology décidait de retirer cette publication. Argument avancé : les données présentées ne permettaient pas d’aboutir à une conclusion fondée [3].

Le Groupe International d’Études Transdisciplinaires (GIET), présidé par le Dr. Frédéric Jacquemart (également Président d’Inf’OGM), dans un courrier du 13 décembre 2013 à la revue Food and Chemical Toxicology, a fait état de « sérieux doutes » quant à l’étude de Zhu. Le GIET a précisé au rédacteur en chef de la revue, le Dr. Hayes, que les conclusions de cette étude n’étaient pas justifiées par les analyses conduites. En effet, le GIET a mis en évidence, dans l’article scientifique lui-même, l’absence d’information sur la puissance statistique de l’étude menée. En clair, il est impossible de savoir si l’étude a été construite de manière à pouvoir voir quelque chose ou non ! L’assertion d’innocuité du maïs GM est donc, en l’état, scientifiquement infondée. Le GIET souligne également que la conclusion de l’article établit une équivalence entre le maïs transgénique et le maïs conventionnel, alors qu’aucune analyse d’équivalence, analyse indispensable pour porter une telle conclusion, n’a été réalisée.

Ainsi, pour le GIET, et au-delà du protocole mis en place par les scientifiques, si l’étude de G.-E. Séralini doit être retirée car les données fournies ne permettraient pas d’appuyer la conclusion présentée, il en est exactement de même pour celle de Zhu et ses collègues.

Aujourd’hui, le GIET est toujours en attente de réponse de la revue.

notes :

[1« A 90-day feeding study of glyphosate-tolerant maize with the G2-aroA gene in Sprague-Dawley rats », Zhu et al., Food and Chemical Toxicology 51 (2013) 280–287

[2traduction de l’auteur