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Amiante : 18 ans de prison pour un industriel !
par Alain Geerts - 4 juin 2013

L’industriel suisse Stephan Schmidheiny vient d’être condamné en appel à une peine durcie à dix-huit ans de prison pour avoir provoqué la mort de près de 3.000 personnes autour de l’usine d’Eternit Italie utilisant la fibre d’amiante. On progresse lentement mais sûrement...

Il y a peu, l’amiante était revenue à la Une de l’actualité - à l’initiative des associations de victimes - à l’occasion de deux événements distincts : d’une part la publication d’une cartographie des victimes de l’amiante en Belgique et d’autre part le constat d’un nouvel échec de la tentative d’inscrire ce poison à l’annexe III de la Convention de Rotterdam. Nous avions pointé la lâcheté dont ont fait preuve et font encore aujourd’hui preuve les autorités publiques : le grotesque de la Convention de Rotterdam sensé protéger la santé mais dont le fonctionnement permet au contraire de continuer à fabriquer et vendre, sans contrainte, l’amiante Chrysotile dans de nombreuses régions du monde en témoigne. Enfin, les sociétés privées qui exploitent ou utilisent l’amiante font preuve aujourd’hui comme hier d’un cynisme et d’une mauvaise foi peu commune.

La justice, de son côté, fait son travail, en toute indépendance, notamment en Belgique, et reconnait la juste lutte des victimes. C’est aujourd’hui le cas à Turin, où la Cour d’Appel a durci la peine à l’encontre de l’industriel suisse Stephan Schmidheiny à dix-huit ans de prison pour avoir provoqué la mort de près de 3 000 personnes autour de l’usine d’Eternit Italie utilisant la fibre d’amiante.

Ex-propriétaire d’Eternit Suisse, M. Schmidheiny avait été condamné en première instance en février 2012 à seize ans de réclusion en tant qu’ancien actionnaire important de sa filiale italienne de 1976 à 1986, en même temps que le baron belge Louis de Cartier de Marchienne, ancien actionnaire et administrateur d’Eternit Italie au début des années 1970.

La cour d’appel de Turin a décidé d’abandonner les poursuites contre ce dernier, décédé le 21 mai à l’âge de 92 ans. Dans le cadre de ce premier procès pénal au monde sur les dégâts causés par l’amiante, les magistrats de la cour d’appel ont, en revanche, jugé M. Schmidheiny responsable de « catastrophe sanitaire et environnementale permanente » et infraction aux règles de la sécurité au travail dans les usines de produits à base d’amiante-ciment (tubes, plaques, etc.).

Pendant le procès, les avocats des deux accusés avaient argué qu’ils n’avaient pas de responsabilité directe dans la gestion d’Eternit Italie, qui avait fait faillite en 1986, six ans avant l’interdiction de l’amiante dans la péninsule. Mais pour le procureur Guariniello qui avait enquêté cinq ans avant d’arriver au procès de Turin, leur condamnation en première instance avait donné « à tous en Italie et dans le monde entier le droit de rêver que la justice peut et doit être faite ».

Etrange schizophrénie d’un monde où d’un côté on condamne à juste titre des industriels responsables de graves pollutions (et qui ont tout fait pour occulter la vérité au sujet de la nocivité de leurs produits) et d’un autre côté, industriels et autorités publiques s’allient pour empêcher toute régulation du même produit ailleurs sur la planète...

Enfin, il serait judicieux que des entrepreneurs, notamment dans le domaine de l’agrochimie (pesticides etc...) prennent conscience que ce schéma pourrait très bien se reproduire pour leurs productions nocives pour la santé...

Source : lemonde.fr