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Une espèce d’abeille disparue, redécouverte... et déjà condamnée ?
- 9 juin 2012

Le 9 mai dernier, une espèce d’abeille qui n’avait plus été observée en Belgique depuis 1971 a été redécouverte à Tihange. Cette espèce probablement relativement répandue au début du 20ème siècle a fortement régressé dans nos régions au point d’être éteinte dans les îles Britanniques, en danger critique d’extinction aux Pays-Bas, rare et menacée en Allemagne...

Une bonne nouvelle donc ? Peut-être pas malheureusement ! Le site où Melecta luctuosa, c’est son nom scientifique, a été observée constitue un véritable piège pour elle ainsi que pour d’autres espèces d’insectes rares qui y ont été observés récemment. Ce piège, c’est une route, la future liaison Tihange-Strée (N684) dont les travaux ont été entamés et interrompus par manque de moyens financiers.

Le premier tronçon presque achevé, mais inutilisé depuis, constitue une ouverture dans un massif forestier où la diversité biologique est importante et totalement sous-estimée. De telles ouvertures sont très attractives pour les insectes car nos forêts sont beaucoup trop fermées. Elles permettent un ensoleillement plus important et donc le développement d’une flore plus variée.

Il faut bien comprendre que ce n’est pas la route qui a fait venir des espèces dans la région. Leur rayon de déplacement est faible. De petites populations ont dû se maintenir dans la forêt, profitant d’un ensemble fluctuant de petits milieux ouverts... Et tout à coup, on leur « offre » un milieu optimal ! Il n’est donc pas étonnant que beaucoup d’espèces y soient attirées. Mais dans ce cas, au moins sept espèces d’insectes strictement protégées en Wallonie sont concernées, dont Melecta luctuosa pour qui cette route est la seule station connue aujourd’hui en Belgique. C’est exactement comme si on attirait ces insectes dans une bouteille remplie de liquide sucré ! Et la souricière va se refermer sur cette richesse biologique incontestable et sous-évaluée dès que les 10.000 véhicules prévus par jour circuleront sur la route, la hauteur de vol de ces espèces correspondant à celle des pare-brise... La prolongation de la N684 Tihange-Strée est donc un véritable piège écologique. Complétons l’information en signalant que quatre espèces d’oiseaux remarquables (Natura 2000) fréquentent aussi les lieux.

Des nuisances aussi pour la population

Dès l’automne passé, lors de l’enquête publique, Natagora s’est opposée au projet vu l’absence d’une réelle prise en compte de données sur la faune, déplorant que la nature soit à nouveau sacrifiée au bénéfice d’une énième route dont on a de la peine à identifier l’intérêt. De nombreux riverains ont également émis des réticences pour des raisons de sécurité, notamment en raison de l’obligation de traverser ce futur grand axe par les enfants se rendant par exemple à l’école. Lié à ces raisons de sécurité, le déclassement des sentiers communaux obligerait les riverains à utiliser davantage leur voiture !

L’aménagement de plusieurs passerelles traversant la future route a ainsi été demandé afin de permettre une mobilité douce sans risque. Le projet a bien été modifié, donnant lieu à la nouvelle enquête publique en cours. Toutefois, ces modifications ne prennent pas en compte ces aspects.

Les temps ont changé, changeons les décisions

Nous le savons tous, les hyménoptères (abeilles, bourdons, guêpes...) ne se portent pas bien. Et pourtant ces agents pollinisateurs sont indispensables entre autres à notre chaîne alimentaire. Les espèces se raréfient, puis disparaissent… Est-il alors encore acceptable aujourd’hui d’ignorer la présence d’espèces aussi menacées dans la mise en œuvre d’un projet routier dont beaucoup s’interrogent sur l’utilité réelle alors que le réseau actuel mériterait un peu plus d’attention ? Serait-il cohérent que des communes qui signent le plan Maya puissent laisser détruire une espèce d’abeille unique en Belgique ? Serait-il cohérent qu’on nous encourage par de beaux discours à utiliser moins nos voitures en appliquant une politique qui va à l’opposé ? Serait-il cohérent qu’on nous parle de mobilité douce en faisant tout pour nous en empêcher… ?

Cette route, qui est dans les cartons depuis 1981, correspond à la vision d’une époque où la préservation de la biodiversité n’était pas prise en compte et où les perspectives en matière de mobilité n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Nous demandons aux responsables le courage politique de laisser tomber ce projet.
Il est encore temps : l’argent déjà dépensé est négligeable par rapport aux sommes encore en jeu...
Nul n’ignore plus actuellement les montants considérables et réguliers qui sont nécessaires à l’entretien des routes.

Contact presse :
Jean-Sébastien Rousseau-Piot
Natagora Condroz mosan
0484/434.900 - js.rousseaupiot@natagora.be

Une pétition demandant l’arrêt de ce projet a été lancée par Natagora. Signez ici.