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Notre environnement - Agents chimiques - Comprendre
Perturbateurs endocriniens : la pire contre-attaque !
par Alain Geerts - 2 octobre 2012

Décidément, l’actualité en matière de perturbateurs endocriniens souffle le chaud et le froid ! Après la reconnaissance au niveau international de la cause des PE comme un enjeu international émergent, on vient d’apprendre que L’EFSA est mandatée pour définir un phénomène qu’elle ne reconnait pas... Explication et enjeux.

Le RES et les ONG européennes s’élèvent vigoureusement contre le mandat accordé par la DG SANCO à l’EFSA de développer la future définition réglementaire des perturbateurs endocriniens. Le RES en appelle au Président de la République.

Le sort réglementaire des perturbateurs endocriniens (PE), ces produits chimiques capables d’interférer avec la régulation des hormones, se joue actuellement sur la scène européenne avec la révision ou l’application prochaine de plusieurs lois et règlements. Ainsi, le règlement communautaire régissant les pesticides et celui sur les biocides prévoient le retrait du marché des substances PE. Le règlement Reach, lui, devrait être amendé pour que les PE soient reconnus comme une classe de « substances extrêmement préoccupantes » à part entière et soumis aux mêmes exigences de substitution que les substances persistantes (dites PBT et vPvB) et les cancérigènes sans seuil (CMR)L’article 57 de Reach définit le régime d’autorisation des substances extrêmement préoccupantes (SVHC) selon 3 catégories : les persistantes (PBT et vPvB) et les cancérigènes (CMR) sans seuil sont soumises à un examen des alternatives ; les CMR avec seuil sont soumises à une simple gestion renforcée des risques ; les PE appartiennent pour l’instant à une 3eme catégorie fourre-tout où le sort de chaque substance est évalué au cas par cas..

« Certains lobbys industriels réfractaires ont bien compris qu’ils n’éviteront pas une réglementation stricte des perturbateurs endocriniens » explique Yannick Vicaire, chargé de mission du Réseau Environnement Santé, « c’est pourquoi ils mettent tout leur poids dans la bataille de la définition réglementaire des PE ». En effet, il n’existe pas à ce jour de définition européenne pratique des PE et l’enjeu d’une telle définition est crucial. Le think-tank des lobbys industriels, l’ECETOC, défend une définition complexe qui inclurait par exemple une description des mécanismes d’action et une charge de la preuve très élevée sur la nocivité des effets [1]. A l’opposé, les ONG souhaitent une définition simple et tournée vers l’action de précaution et de prévention, ce que préconisent aussi le rapport Kortenkamp commissionné par la DG Environnement et des sociétés savantes comme l’Endocrine Society. « Si on suit l’ECETOC, les lois voulues par les législateurs ne s’appliqueront qu’à une poignée de PE et nous continuerons d’être exposés à un cocktail de résidus de pesticides PE, de bisphénols et de phtalates » commente Yannick Vicaire « avec une définition ouverte, accompagnée d’une liste de PE fondée sur la dynamique des travaux scientifiques indépendants, nous dégagerons l’horizon sanitaire de plusieurs générations de la menace de programmation épigénétique à de multiples maladies chroniques, cancers, diabète-obésité et atteintes à la reproduction ».

Alors que les débats scientifiques et politiques tournent à la défaveur du statu quo souhaité par les industriels, la DG SANCO prend une initiative pour le moins étrange : confier le développement de la définition des PE à l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA). Pour le RES, il faut voir dans cette décision une manœuvre politique de mauvais augure. D’abord parce que la DG SANCO, jusque-là totalement passive, voire hostile au changement de paradigme requis par les PE, s’arroge un leadership aux dépens de la DG Environnement. Ensuite, parce qu’en mandatant l’EFSA, elle verrouille le débat démocratique bouillonnant, au moment même où le Parlement européen commençait de s’en saisir et où des Etats-membres comme la France, le Danemark ou la Belgique envoient des messages forts de promotion d’une approche de précaution. Par ailleurs, le déni de l’EFSA sur la perturbation endocrinienne est de notoriété publique comme l’a prouvé sa défense des usages alimentaires du Bisphénol A et de la DJA toujours en cours. Enfin, le RES se questionne s’il est sérieux de confier à une agence au plus fort du discrédit, dont l’ex-Présidente a pour nouvel employeur le lobby agrochimique [2], le soin de définir les PE et donc la possibilité d’influencer directement le retrait ou non de pesticides du marché.

« Le mandat confié à l’EFSA est une caricature de manœuvre en faveur des lobbys. L’EFSA n’a ni la légitimité, ni le crédit pour prendre des décisions qui relèvent du débat démocratique et de la politique de prévention sanitaire souhaitée par les citoyens et leurs représentants » prévient Yannick Vicaire « le RES invite les parlementaires français et européens à réagir vivement contre cette tentative de court-circuitage, et demande solennellement au Président de la République, François Hollande, d’intervenir au nom de son engagement exprimé à la Conférence environnementale en faveur du contrôle des perturbateurs endocriniens ».

Source : RES

notes :

[1L’ECETOC est l’European Centre for Ecotoxicology annd Toxicology of Chemicals, un think-tank de l’industrie chimique créé pour influencer les réglementations et procédures d’évaluation des produits chimiques.

[2Diana Banati, après avoir longtemps cumulé ses fonctions de Présidente du CA de l’EFSA et d’administratrice au sein de l’ILSI (un think-tank des lobbys agrochimique et agroalimentaire) a démissionné du premier le 9 mai 2012 pour devenir directrice exécutive d’ILSI-Europe.

Voir aussi :
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