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Les effets du bisphénol A sont transgénérationnels
- 22 juin 2012

Il ne suffira pas d’interdire le bisphénol A (BPA) pour que ses effets sur les populations disparaissent. Il faudra aussi attendre. Et attendre suffisamment pour que passent plusieurs générations.
C’est ce que suggère une étude à paraître dans la prochaine édition de la revue Endocrinology, la première à mettre en évidence le caractère transgénérationnel des troubles du comportement que cette molécule induit chez les souris qui y sont exposées. Et ce, même à des niveaux d’exposition très faibles, comparables aux concentrations de BPA retrouvées dans la plus grande part de la population humaine occidentale.

En clair, non seulement les rongeurs exposés in utero au BPA présentent plus tard dans leur vie des troubles comportementaux, mais ils les transmettent à leur descendance, quand bien même celle-ci n’a pas été exposée. Selon les conclusions de ces travaux américains, conduits par la biologiste Jennifer Wolstenholme (université de Virginie, Etats-Unis), l’altération du comportement social des rongeurs persiste jusqu’à la quatrième génération...

Pendant les dix derniers jours de leur gestation, des souris pleines ont quotidiennement ingéré environ 20 microgrammes de BPA, tandis qu’un groupe de femelles-témoins, également pleines, a reçu une nourriture exempte de cette molécule, connue pour sa capacité à perturber le système hormonal de nombreux organismes.

« LES EFFETS COMPORTEMENTAUX SEMBLENT ASSEZ NETS »

Quelques jours après leur naissance, les comportements des juvéniles des deux groupes ont été comparés, grâce une analyse quantitative de certaines activités (fréquence des déplacements, exploration de l’environnement, etc.) ou de certaines postures sociales (temps passé seul ou en compagnie de ses congénères, recherche de relations, etc.).

Par rapport au groupe-témoin, les jeunes exposés in utero au BPA montrent « des interactions sociales réduites chez les souris des deux sexes » ainsi qu’« une préférence réduite pour la compagnie des mâles adultes ». Au sein de chacun des deux groupes, trois générations ultérieures ont ensuite été étudiées. Ceux dont les aïeuls ont été exposés in utero au BPA ont été comparés à ceux dont la lignée est exempte de tout contact avec le perturbateur endocrinien.

Surprise : chez ces animaux, l’effet est inversé. « De manière générale, l’exposition (de la génération antérieure) au BPA accroît les comportements sociaux et réduit les comportements asociaux chez les souris de la deuxième génération, et cet effet persiste jusqu’à la quatrième », écrivent les auteurs.

« Ces études transgénérationnelles sont très difficiles à mener », commente le pharmaco-toxicologue Robert Barouki, professeur à l’université Paris-Descartes et directeur de l’unité 747 de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui n’a pas participé à ces travaux. « Mais les auteurs ont ici mené leurs expériences sur un nombre suffisant d’animaux, plus d’une dizaine, et les effets comportementaux semblent assez nets. »

CANCERS ET BAISSE DE FERTILITÉ

Les chercheurs ne se sont pas limités à une analyse comportementale des animaux. Ils en ont également sacrifié plusieurs, afin de mesurer, dans leur cerveau, l’expression des gènes codants pour la vasopressine et l’ocytocine.

Les chercheurs notent que les concentrations de ces deux hormones - connues pour jouer un rôle sur le comportement social - sont altérées sur quatre générations, par une exposition au BPA de la première... « Je suis plus réservé sur le mécanisme mis en avant pour expliquer les effets observés », estime cependant M. Barouki, qui ajoute que « des travaux ultérieurs devront creuser cette question ».

Pour autant, le principal résultat de ces travaux n’est pas surprenant. Des effets transgénérationnels de perturbateurs endocriniens sont bien connus depuis la fin des années 1990, mais concernent surtout l’augmentation des risques de cancer et la baisse de la fertilité. C’est la première fois que des altérations comportementales sont documentées sur plusieurs générations.

Les agences européenne (EFSA) et américaine (FDA) ne considèrent toujours pas le BPA comme dangereux aux niveaux courants d’exposition dans la population. Cette substance est cependant au centre d’un projet de loi, déposé en 2011 par le député (PS) Gérard Bapt, qui vise à la proscrire des contenants alimentaires d’ici à 2014.

Un article de Stéphane Foucart paru sur le monde.fr/planete

Crédit photographique : © katiah - Fotolia.com

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